La politique communautaire des télécommunications
Résumé
A la fois service et industrie, le marché des télécommunications fait intervenir une multitude d’acteurs. Du côté de l’offre, ces derniers forment, comme c’est le cas pour les autres grands réseaux techniques, un « triangle » : opérateurs (qui fournissent les services), manufacturiers (qui fournissent les équipements), régulateurs (qui fixent les règles d’exploitation) . Eli Noam parle d’un « complexe postalo-industriel » pour qualifier l’ensemble qui, au sein de chaque nation européenne, a assuré la grande stabilité de ce « triangle » sous la forme de monopoles très cloisonnés jusqu’aux années 1980, loin de l’idée communautaire de marché commun: syndicats, partis politiques, classes moyennes, ruraux touchaient les rentes d’une situation où un opérateur national plus ou moins unique passait commandes à des équipementiers protégés par des normes locales et exploitait le réseau en fonction de règles tarifaires et techniques qui lui étaient propres.
Ce paysage fut balayé dans les années 1980-1990, à la faveur non pas d’un mais de plusieurs tournants impulsés à l’échelle communautaire. Les télécommunications furent en effet le laboratoire des restructurations européennes des services en réseaux, marquées par la libéralisation des marchés nationaux des équipements et des services. Un objet de télécommunications devint même l’icône d’une Europe intégrée et en mouvement : le téléphone numérique GSM qui, conçu par et pour les Européens, ouvrait la voie à l’itinérance transnationale. Les cloisons, les frontières tombaient, progressivement. Et sans grand heurt : tout le monde semblait gagner à la recomposition à l’échelle européenne du « triangle » des télécommunications sur un mode à la fois harmonisé et concurrentiel.
Cet article réinscrit les changements majeurs des années 1980-1990 dans la moyenne durée d’une histoire qui remonte aux années 1950 : celle de la rencontre entre une tradition centenaire de coopération technique intergouvernementale, au sein d’institutions telles que l’Union internationale des télécommunications (UIT, née en 1865), et les dynamique de la ou des constructions européennes. Histoire complexe car traversée par les innovations, marquée par les enjeux de souveraineté industrielle et en prise avec le contexte géopolitique et géoéconomique global.
Origine :
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