En France, en 1789, on établit un nouveau découpage du territoire pour forger l’unité nationale et détruire « l’esprit de clocher », c’est-à-dire les particularismes locaux et provinciaux qui s’opposent à la bonne marche d’une administration uniforme. Or, quelle n’est pas la surprise de voir apparaître dès le début du 19e siècle des tentatives de re-création d’identités territoriales. Certaines sont pensées, dans un esprit nostalgique et réactionnaire, dans le cadre des anciennes provinces abolies par la Révolution. Elles sont décrites selon le mode essentialiste qui a déjà été bien étudié (Bertho-Lavenir, Thiesse, etc.). Une autre démarche consiste à vouloir créer ex-nihilo de nouvelles identités à l’échelon des circonscriptions administratives nouvelles, départements et cantons. On étudiera deux propositions : celle de créer « un esprit départemental » (1807) et celle de fonder des musées cantonaux comme supports de l’identité locale (années 1860). Les moyens envisagés livrent d’intéressantes contributions à la notion d’identité territoriale et reflètent les pratiques, tout autant que les représentations des différences et personnalités territoriales. On peut y voir d’étonnantes préfigurations de nos conceptions actuelles de l’identité régionale (Paasi, Di Meo) : forme et paysage géographique, contenu symbolique, institutions et pratiques socio-culturelles sont ici « inventées » pour durer.