Traditional justice or state justice? The game of the litigants among the Rwa of Mount Meru (Tanzania)
Justice traditionnelle ou justice étatique ? Le jeu des plaideurs chez les Rwa du Mont Méru (Tanzanie)
Résumé
In Tanzania, among the Rwa of Mount Meru, two types of justice coexist. On the one hand, there is an indigenous justice system, in the hands of the leaders of this small ethnic group, who arbitrate conflicts according to local rules, and on the other hand, a national justice system whose operation is dictated by the state. The procedures and means of action of the two are extremely different. The first, traditional justice, mobilises not only individuals, but all the group(s) to which they belong and strives, after long debates, to reach a general consensus. Its effectiveness comes from the weight of the community, the fines it imposes on offenders and, in the most extreme cases, the threat of a curse. The second, state justice, is modelled on the Western model. It targets individuals, without taking groups into consideration. Its objective is to designate and punish the guilty party, and its coercive means are very different from those of traditional justice. Apart from imprisonment, the most feared sanction is land expropriation, when someone proves unable to pay his debts. Indeed, the Rwa are farmers, they have a visceral attachment to the land. It is the most desirable asset of all, and often the only source of wealth and prosperity. Conflicts arise over the smallest square metre of land, and there are countless land conflicts. Clans are the usual arbiters, but recourse to state justice is also possible. We shall see that it is developing, and even more so when the dispute is outside the recognised competence of the clan. But whatever the choice of individuals, and despite their very different conceptions, these two forms of justice do not turn their backs on each other. On the contrary, they collaborate and refer cases to each other to resolve the most difficult conflicts. One of them willingly relies on the conclusions of the other instance to render a judgment. These two forms of justice are presented, with their constraints and advantages in the eyes of the public. Then we show how they work together, through the example of some disputes. Finally, we will discuss the trends that can be observed and the future prospects of these two forms of justice, traditional and state.
En Tanzanie, chez les Rwa du mont Méru, deux types de justice cohabitent. Il y a d'une part une justice indigène, aux mains des responsables de cette petite ethnie, qui arbitrent les conflits selon les règles locales, et d'autre part une justice nationale dont le fonctionnement est dicté par l'État. Les procédés et les moyens d'action de l'une et de l'autre sont extrêmement différents. La première, la justice traditionnelle, ne mobilise pas seulement les individus, mais tout(s) leur(s) groupe(s) d'appartenance et elle s'efforce, au terme de longs débats, d'aboutir à un consensus général. Son efficacité lui vient du poids de la communauté, des amendes auxquelles elle contraint les fautifs et, dans les cas les plus extrêmes, d'une menace de malédiction. La seconde, la justice d'État, est calquée sur le modèle occidental. Elle vise les individus, sans prise en considération des groupes. Son objectif est de désigner et sanctionner le coupable, et ses moyens coercitifs sont très différents de ceux de la justice traditionnelle. Outre l'emprisonnement, la sanction la plus redoutée est l'expropriation foncière, quand quelqu'un s'avère être dans l'impossibilité de payer ses dettes. En effet les Rwa sont des fermiers, ils ont un attachement viscéral à la terre. Elle est le bien le plus désirable entre tous, et souvent l'unique source de richesse et de prospérité. On entre en conflit pour le moindre mètre carré de terre, et les conflits fonciers sont innombrables. Les clans en sont les arbitres habituels, mais le recours à la justice d'État est également possible. Nous verrons qu'il se développe, et plus encore quand le litige se situe en dehors du domaine de la compétence reconnue du clan. Mais quel que soit le choix des particuliers, et en dépit de leurs conceptions si différentes, ces deux formes de justice ne se tournent pas le dos. Au contraire elles collaborent, elles se renvoient mutuellement les dossiers, pour résoudre les conflits les plus épineux. L'une s'appuie volontiers sur les conclusions de l'autre instance pour rendre un jugement. Ces deux formes de justice sont présentées, avec leurs contraintes et leurs avantages aux yeux de la population. Puis nous montrerons comment elles travaillent ensemble, à travers l'exemple de quelques litiges. Nous évoquerons pour finir les tendances qui s'observent et les perspectives d'avenir de ces deux justices, traditionnelle et étatique.
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