Le langage de la peur en politique - HAL Accéder directement au contenu
Communication dans un congrès Année : 2023

The language of fear in politics

Le langage de la peur en politique

Résumé

Cette analyse vise à répondre à trois questions : quels sont les mécanismes responsables de la création et/ou manipulation de la peur dans le discours de Donald Trump ? Comment est-ce que ces mécanismes fonctionnent ? Quel est l’impact de ces mécanismes sur l’auditoire ? Dans un premier temps, différents outils linguistiques sont mis en lumière : utilisation du lexique, utilisation des chiffres, hyperboles et métaphore. Cette première analyse permet ensuite d'observer les interactions entre "faits" et émotions, en s’intéressant notamment aux notions de logique, de vérité et au "storytelling". Tout cela est mis en relation avec différents travaux de sciences cognitives qui permettent d’expliquer, d’une part, comment certains procédés rhétoriques nous affectent et, d’autre part, comment la peur est appréhendée par l’auditoire et son impact psychologique et comportemental. La répétition de certaines bases lexicales dans le texte fait ressortir les grands thèmes de la campagne de Donald Trump. L’utilisation de l'outil 'plot' de AntConc permet de remarquer la dispersion de certains termes dans le texte. La superposition des différents graphs obtenus montre des associations courantes et la façon dont le texte est ponctué par certaines idées. On remarque une grande quantité de termes appartenant aux champs lexicaux de la guerre, de la souffrance et du danger. La répétions de certains de certaines idées permet de s'assurer que l'auditoire les garde en mémoire. Ces répétitions et l'utilisation d'anaphores rhétoriques peuvent être vues comme une forme de martèlement, visant à faire accepter un propos sans avoir à le justifier. Cela se repose notamment sur l'effet de simple exposition (Zajonc 1968) et la notion de vérité illusoire (Hassan et Barber 2021). Trump utilise répétitions, colocations et juxtaposition pour dépeindre une vision singulière des Etats-Unis dans laquelle il oppose un "NOUS" et un "EUX". A travers cette dichotomie il parvient à diaboliser l'Autre. L'utilisation du mode hyperbolique du discours de Donald Trump s’inscrit dans une stratégie politique connue. Elle se repose sur des choix lexicaux, l'utilisation d'adverbe d'intensité (so, very) et la manipulation de données chiffrées (interprétation statistique biaisée, exagérations et approximations). On relève aussi un grand nombre de métaphore, en s'appuyant sur la théorie de la métaphore conceptuelle de Lakoff et Johnson 2003. Ces métaphores permettent d'évoquer la peur en associant des images fortes à connotation négatives et des concepts complexes. Trump utilise le storytelling pour justifier ces positions par l'exemple, ce qui lui permet de ne pas se justifier. Cela lui permet aussi de construire son image, celle d'un homme du peuple, abordable, incarnation du mythe du "self-made man". Le discours se repose notamment sur la juxtaposition d'idée pour sous-entendre corrélations et causalités là où elles n'existent en réalité pas. Cette logique détournée et ce rapport particulier à la vérité sont construits notamment par les hyperboles et métaphores relevées. Il y a un jeu sur les peurs présentes de l'auditoire. La manipulation opérée par Trump se construit autour de trois axes, tels qu'ils sont décrits par Breton 1997 : manipulation des faits, manipulation des affects, et manipulation cognitive. Ces manipulations exploitent des peurs fondamentales, tels qu'elles ont été décrites par Reiss (1991, 1997). Les travaux de Carleton 2016 mettent en avant la place proéminente de la peur de l'inconnue dans une optique de hiérarchisation des peurs. Cette peur de l'inconnue (et ces différents dérivés) semble être celle sur laquelle Trump se repose le plus dans son discours. C'est parce qu’elle est aussi profonde, aussi fondamentale qu'elle est aussi forte et qu'elle résonne avec le plus de monde. L'utilisation de la peur s'inscrit dans une tradition politique déjà bien connue. Notre analyse nous permet d'avancer que la peur ne semble pas créée par le discours, mais seulement manipulée, attisée. Il n'existe pas de marqueur unique de la peur, mais elle se construit linguistiquement par plusieurs procédés qui fonctionnent grâce à des processus cognitifs établis et mesurés. Il y a plusieurs motivations derrière l’utilisation de la peur : Rallier des partisans à sa cause, inciter au vote, construire une identité politique, provoquer une émotion forte afin de limiter le discernement de l’auditoire, décrédibiliser / attaquer ses adversaires, etc.
Loading...
Fichier non déposé

Dates et versions

halshs-03980590, version 1 (09-02-2023)

Identifiants

  • HAL Id : halshs-03980590 , version 1

Citer

Aurélien Amet. Le langage de la peur en politique : Une étude de cas. Le discours de Donald Trump à sa victoire aux primaires Républicaines. Journée d'Etude des doctorants du CELISO, Feb 2023, Paris, France. ⟨halshs-03980590⟩
61 Consultations
0 Téléchargements
Dernière date de mise à jour le 19/05/2024
comment ces indicateurs sont-ils produits

Partager

Gmail Facebook Twitter LinkedIn Plus