Lors de la composition de son Premier concerto pour piano op. 17, en 1858, Camille Saint-Saëns a 23 ans. Titulaire de l’orgue de la Madeleine depuis peu, il brille davantage par ses talents de pianiste et d’organiste que par ses premières compositions, qui reçoivent un accueil mitigé. L’opus 17 ne se limite pas à l’année de sa composition puisque sa première représentation publique connue à ce jour date de 1862, et qu’il faudra attendre encore 13 ans pour sa première publication en version intégrale, en 1875. La réception de cette œuvre diverge d’une époque à l’autre : si en 1905, Émile Baumann s’émerveille de l’héroïsme du premier mouvement mais s’interroge sur la qualité du mouvement lent, qu’il qualifie d’ « impersonnel » et « incolore », la réception actuelle (Michael Stegemann notamment) semble au contraire montrer que la liberté et l’originalité de ce mouvement central le placent au-dessus des deux autres, plus conventionnels. Le langage musical de ce concerto n’a cependant jamais été analysé dans le détail. Dans cette œuvre de jeunesse souvent oubliée, Camille Saint-Saëns fait pourtant preuve d’une agilité technique hors du commun dans le paysage musical français, pimentée de sections relevant de la fantaisie, voire de l’improvisation. Malgré de nombreuses influences tout à fait palpables dans les trois mouvements – le traitement motivique beethovenien, la virtuosité lisztienne ou encore l’omniprésence du contrepoint témoignant de sa formation rigoureuse – des premiers idiomes caractéristiques de son style personnel sont déjà en germe. Dans cette communication, il s’agira, par l’analyse stylistique d’une pièce considérée comme mineure dans le répertoire de Camille Saint-Saëns, de faire ressortir les premières manifestations de la personnalité musicale du compositeur et de mesurer l’influence de l’enseignement qu’il a reçu et de ses prédécesseurs sur sa production musicale de jeunesse. L’objectif visé, au-delà de la revalorisation d’un concerto quasiment tombé dans l’oubli, est d’approfondir la connaissance et la définition du style de Camille Saint-Saëns à travers le prisme de sa genèse.