Quelques mois après le début de la pandémie de Covid-19 et le premier confinement français, la Région Île-de-France lançait un appel à projet de recherche sur les enjeux de relance et de résilience du territoire dans un contexte de crise sanitaire. C’est dans ce cadre que le programme de recherche Smart Lab LABILITY de l’Université Gustave Eiffel se mettait en place, avec l’objectif d’étudier les répercussions de la crise sanitaire sur l’organisation du travail et l’évolution des mobilités des personnes ainsi que des marchandises en Île-de-France. L’un des projets de recherche du Smart Lab LABILITY a porté sur les effets spatiaux du télétravail en Île-de-France : dans quelle mesure la diversification des lieux de travail et leurs usages sont-ils pris en compte dans les stratégies des entreprises franciliennes, en particulier dans le cas d’activité tertiaire ? Cette diversification des lieux de travail - qui n’est pas nouvelle - et ses enjeux ont été analysés au regard de la diffusion du travail à distance depuis 2020. Quels impacts et quelles répercussions de la pandémie de Covid-19 et du télétravail sur cette gestion des lieux ? La communication a présenté les résultats issus de cette recherche, menée dans ce cadre territorial (Île-de-France) et ce contexte temporel (l’après 2020) particulier. La crise, point de départ des questionnements engagés, a doublement été discutée. Tout d’abord, l’un des premiers axes d’analyse a été d’appréhender et de qualifier les effets de la crise sanitaire sur les stratégies des entreprises quant aux lieux du travail. Cette période est-elle marquée par des phénomènes de rupture ou d’accélération quant à l’organisation et aux lieux de travail ? Les premiers mois d’adaptation ont-ils mené à des changements plus pérennes ? Dans quelles mesures les enjeux de transition énergétique ont-ils été mobilisés au cours de cette période marquée par la pandémie de Covid-19 ? De plus, la notion même de crise a été discutée, tant dans la façon d’appréhender la crise sanitaire (est-ce une crise) que par l’enchaînement des situations et qualificatifs de crise (sanitaire, économique, géopolitique, énergétique et climatique). Par exemple, la crise énergétique a rapidement soulevé des questions quant à la stabilisation de la pratique du télétravail : face aux coûts du chauffage, les télétravailleurs à domicile allaient-ils revenir au bureau ? Pour les entreprises, comment réguler la présence « dans les murs », avec notamment un questionnement sur l’ouverture même des locaux certains jours particulièrement télétravaillés ? Les principaux résultats de cette recherche sont présentés au regard de ce double questionnement de la crise. Méthodologie Dans ce travail de recherche, la question des lieux de travail a été analysée du point de vue de l’organisation du travail et au niveau de la politique d’entreprise : l’influence de la pandémie sur l’échelon organisationnel est donc ici appréhendée. Les résultats s’appuient sur une phase exploratoire (entretiens auprès d’acteurs de l’immobilier de bureau, de l’aménagement et de représentants d’entreprises ; observations) et sur une enquête par questionnaire. Celui-ci a été administré par téléphone en mai 2022 auprès de responsables RH (ou selon l’organigramme de dirigeant·es ou membres du comité de direction) d’entreprises franciliennes (dont le siège social France est situé en Île-de-France), privées, créées avant 2020 et d’au moins 20 salarié·es. L’échantillon rassemble 200 entreprises enquêtées. Dans cette enquête, le lieu considéré comme principal de travail est le siège social : cela a permis d’étudier différents secteurs d’activités (en centrant sur les activités de bureau associées aux sièges) et, au sein du même panel, d’avoir des entreprises composées d’un seul établissement et de plusieurs établissements. L’analyse des lieux de travail et des possibles répercussions de la pandémie a croisé différentes échelles et éléments : la localisation des bureaux (questionnement sur l’accessibilité des lieux du travail, rapport à la centralité et à la proximité), leur organisation (taille et agencement des espaces) et les différents lieux du travail. L’hypothèse retenue était celle d’une pluralité de modalités d’adaptation « dans les murs » (localisation, agencement des locaux) et « hors les murs ». Ont été envisagé différents types de lieux, selon qu’ils soient liés à l’entreprise ou au salarié, utilisés plus ou moins fréquemment et temporairement : le domicile, les tiers-lieux (dans leur diversité), mais aussi d’autres lieux intermédiaires tels que les locations d’espaces temporaires de travail, les bureaux partagés, ou encore la possibilité de travailler dans des antennes ou d’autres locaux de l’entreprise pour celles étant composées de plusieurs établissements. Principaux résultats Nos résultats permettent d’apporter des éclairages sur les façons dont les entreprises appréhendent la période marquée par la pandémie, pour certaines comme adaptation temporaire (1/3 d’entre elles), engendrant des mutations plus ou moins importantes (54 %) ou accélérant des processus antérieurs. Ce rapport entre adaptation et changement est mis en regard de l’adoption du télétravail régulier (fait d’avoir une partie des salarié·es télétravaillant au moins un jour par semaine avant mars 2020 et en 2022, dans quelle proportion). Tout d’abord, concernant l’organisation et les lieux de travail, les répercussions de la pandémie relèvent davantage de l’accélération de tendances antérieures que d’une remise en cause ou rupture avec les fonctionnements en place. Par ailleurs, le télétravail s’est certes diffusé, mais son intégration dans les politiques d’entreprise transforme l’organisation du travail de façon plus progressive que l’expérimentation massive et contrainte des premiers confinements ne le laissait entrevoir. Ceci, d’autant plus que d’autres crises se répercutent sur ces transformations en cours. La période actuelle est marquée par la recherche de l’équilibre dans l’organisation hybride du travail. En ouverture, la présentation reviendra sur la façon dont ces organisations hybrides du travail sont appréhendées aux regards du rapport à l’adaptation des entreprises (flexibilité ou adaptabilité, enjeux de mutabilité de l’immobilier tertiaire) et plus largement des enjeux de transition énergétique (évolution des bilans carbones des entreprises, télétravail et effets rebonds).