Prédire le système-monde à la lumière de la théorie des jeux
Résumé
La guerre en Ukraine donne toute son actualité à la réédition, quarante ans après, de l'essai de prospective de Patrick Schmoll, La Guerre Demain, écrit en 1980 et finalement publié en 1983. Mais cette réédition répond à un autre objectif : c'est un matériau de travail. Il s'agit, en le relisant, d'apprécier la capacité prédictive d'un raisonnement stratégique. L'intérêt de cet essai, c'est qu'il annonçait au début des années 1980 un certain nombre d'évolutions qui ont été confirmées par la suite : la décomposition du bloc soviétique, la démocratisation et l'élévation du niveau de vie des pays d'Europe de l'est, l'extension de l'Europe, le déclin relatif de la puissance économique américaine et la montée en puissance de la Chine. Certaines de ces prévisions, il faut le souligner, étaient contre-intuitives à une époque où les commentateurs politiques, captifs d'une actualité dominée par le regain de tension entre USA et URSS, avaient une vision plutôt binaire et sombre de l'avenir. C’est sur le raisonnement soutenant une prédiction réalisée que nous sommes invités à revenir ici, pour essayer d’en repérer l’enchaînement formel, et d’en dégager un modèle peut-être applicable à d’autres situations : le conflit en Ukraine, sans doute, mais plus généralement tout contexte impliquant pour un collectif organisé de tenir un calcul stratégique dans un environnement incertain. Patrick Schmoll souligne en effet, comme d’autres auteurs à l’époque, que le monde devient complexe : il ne peut plus se comprendre dans les catégories binaires héritées de la Guerre froide et de l’antagonisme est-ouest. Les années 1970 ont mis à la mode les rapports de prospective qui multiplient les scénarios du futur, lesquels divergent en fonction de différents paramètres. Patrick Schmoll s’en saisit, il se demande comment déterminer le plus probable. Son raisonnement, bien que stratégique, ne s’adosse pas à un référentiel théorique explicite. Pourtant, on peut le relire aujourd’hui à la lumière de deux approches qui permettent d’en articuler les apports : la théorie des systèmes complexes et la théorie des jeux.
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