Dans les EMS psycho-gériatriques informés par les approches centrées sur la personne, la maladie d’Alzheimer est appréhendée moins comme une condition biomédicale (cf. le diagnostic) que comme un phénomène interactionnel. Fondamentalement relationnel et contextuel, le care cherche à s’ajuster aux résidant-e-s et à leurs réactions. Aussi, alors même que les démences altèrent les capacités à interagir, c’est dans et par l’interaction qu’elles deviennent des maladies avec lesquelles l’on peut poursuivre sa vie. Pour les professionnel-le-s, l’interaction est tout à la fois une solution et un problème : aux stades les plus sévères, les troubles mnésiques s’accompagnent d’apraxie, d’aphasie, d’agnosie, voire d’agressivité. Notre ethnographie montre que la résolution des interactions problématiques transite par des micro-pratiques d’observation. Contribuant à faire émerger les propriétés pertinentes, pour la situation et en vue du calibrage d’un geste de soin, des personnes et de leur environnement, ces micro-pratiques d’observation s’insèrent dans des processus dynamiques d’investigation (cf. Bessy & Chateauraynaud,2014). Trois types de mise à l’épreuve sont plus particulièrement susceptibles d’enclencher ces enquêtes situées : les « épreuves sensibles », les « épreuves de réalité » et les « épreuves de la discussion clinique ». En nous intéressant aux fonctions remplies par l’observation et aux fins qui l’anime dans chacune de ces épreuves (cf. Garreta, 2004), nous tâcherons de distinguer trois formes possibles d’enquête située : l’enquête pratique orientée par une fin, l’exploration et la casuistique.