À l’heure des succès de l’intelligence artificielle et des annonces sur l’arrivée imminente des implants cérébraux, l’idéologie du progrès technique, loin d’être crépusculaire, se trouve figée à l’aube de ses promesses. Trop souvent, les laudateurs des nouvelles technologies, oublieux ou ignorants de l’histoire et de la philosophie, œuvrent à réduire tout questionnement moral à un simple problème d’acceptabilité sociale. Sous couvert d’une illusoire neutralité des techniques et à grand renfort de leurres éthiques, un avenir se dessine : de nouveaux types d’exclusion apparaissent, le travail fantôme se déploie et la normalisation comportementale s’accroît. L’humain devient, au mieux une variable d’ajustement, au pire le fusible palliant les défaillances d’un système technicien. Néanmoins, ce destin ne semble pas inéluctable. L’idée de technologie conviviale proposée par Ivan Illich, parent de ce que la postérité appelle désormais low-tech, peut servir de guide pour réorienter le développement technique et nous extraire d’un système dans lequel l’individu, dessaisi de sa légitimité naturelle à prendre des décisions morales, est réduit et maintenu au rôle de consommateur de biens et services industriels.