Le « culte impérial » et les persécutions contre les chrétiens. L’état de la question 50 ans après Fergus Millar
Résumé
En 1972, lors des XIXe Entretiens sur l’Antiquité classique de la Fondation Hardt consacrés au culte du Souverain, Fergus Millar avait estimé que le culte impérial jouait seulement un rôle modeste dans les persécutions. Cinquante ans plus tard, bien que l’article de Millar soit devenu une référence classique et continuellement citée, les discussions sur cette question n’ont pas cessé, en particulier pour la période tardive. Le débat sur le rôle joué par le culte impérial dans les poursuites contre les chrétiens a connu ses premiers développements au XIXe siècle. Millar n’était pas le premier à minorer le rôle joué par le culte impérial dans le déclenchement des poursuites, mais il s’inscrivait dans une vision des religions antiques et du culte impérial renouvelée par le tournant ritualiste, rompant avec les conceptions considérant le culte comme un phénomène essentiellement politique. Il mettait ainsi l’accent sur la nature religieuse du culte impérial et sur son absence d’unité. Millar considérait aussi, comme G. De Ste Croix, qu’il n’existait pas de mesures générales contre les chrétiens avant le règne de Dèce, et s’appuyait sur un corpus hagiographique plus resserré que nombre de ses devanciers, tirant parti d’un article alors récent de T. D. Barnes. Pour les périodes antonines et sévériennes, les historiens ont majoritairement accepté les conclusions de Millar, minimisant le rôle joué par le culte impérial dans les poursuites contre les chrétiens. Bien qu’il abordât également la période 250-313, son article a eu moins d’influence sur les historiens de la première antiquité tardive, laissant ainsi largement ouverte la question de l’influence du « culte impérial » sur les persécutions générales, notamment d’époque tétrarchique. Depuis le XIXe siècle, cette question a régulièrement été soulevée alors même que la notion et la compréhension du culte impérial connaissaient dans le même temps d’importantes évolutions, dans le cadre du tournant ritualiste. Cette stratification historiographique contribue à la résurgence périodique d’opinions que l’on aurait pu croire invalidées. L’objet de cette étude est d’examiner à nouveau la question du rôle joué par le « culte impérial » dans les persécutions, à la lumière des évolutions de la recherche, et en interrogeant les catégories et notions au cœur de ces interrogations.
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