Créé il y a bientôt 60 ans, le département de la Seine-Saint-Denis et ses 1,6 million d’habitants occupent une place très particulière dans la métropole et la région parisienne. Deuxième département le plus pauvre de France et premier de la région Île-de-France en 2021, ce territoire a connu d’importantes transformations socio-économiques, urbaines et politiques depuis sa création en 1964 (Bacqué, Bellanger, Rey, 2018). Trois dynamiques caractérisent cet espace régional et son évolution : une industrialisation précoce, une croissance démographique portée par des vagues successives d’immigration et une prédominance de l’habitat populaire. Mais la Seine-Saint-Denis est aussi caractérisée par sa radicalité politique et sa sociabilité militante qui se cristallisent dès la fin du XIXe siècle autour de l’expérience du socialisme municipal, supplantée à partir des années 1930 par le communisme municipal et ses « villes rouges » (Bellanger et Mischi, 2013). La gouvernance de la Seine-Saint-Denis repose dans les années 1960 sur l’institutionnalisation d’un système départemental auquel les édiles communistes participent. Ce système s’effondre néanmoins à partir des années 1980 sous les effets socio-économiques de la désindustrialisation et dans un contexte d’affaiblissement des cadres traditionnels de l’action politique et militante. L’émergence dans ce département dès le milieu des années 1980 de l’intercommunalité la plus intégrée d’Ile-de-France, Plaine Commune, est en partie le reflet de ces évolutions. Assistons-nous dès lors à la fin d’un système local hégémonique et d’un modèle de gouvernance hérité des politiques publiques des années 1950 et 1960 avec l’émergence d’un nouvel « espace de négociation et de coopération interinstitutionnels » (Friedberg, 1997, 286) ? Ou au contraire, la gouvernance de la Seine-Saint-Denis ne continue-t-elle pas de s’inscrire dans un long processus de construction et de maintien d’un système d’action politique localisé ?