Combattre le négationnisme. L’incrimination en France de la négation du génocide des Tutsi - HAL Accéder directement au contenu
Article dans une revue Le Genre Humain Année : 2023

Combattre le négationnisme. L’incrimination en France de la négation du génocide des Tutsi

Résumé

L’incrimination du négationnisme, instaurée en droit français à l’égard de la Shoah par la loi Gayssot de 1990, a connu une très importante extension en 2017. La loi « Égalité et citoyenneté a complété l’article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 pour interdire la négation, la minoration ou la banalisation outrancière de tout génocide, crime contre l’humanité, crime de guerre, crime de réduction en esclavage ou crime d’exploitation d’une personne réduite en esclavage, à condition que le crime en question ait donné lieu à une condamnation prononcée par une juridiction française ou internationale. Cette nouvelle incrimination du négationnisme est assez problématique. Le droit constitutionnel français, tout comme la Convention européenne des droits de l’homme, permet de limiter la liberté d’expression lorsque son exercice est préjudiciable, lorsque des propos semblent susceptibles de provoquer des conséquences dommageables, qu’il s’agisse de préjudices psychologiques ou de troubles matériels. Or, il n’existe aucun lien rationnel entre le fait qu’un crime ait été établi par un tribunal et le caractère néfaste de sa négation. Il n’est pas difficile d’imaginer qu’un génocide qui n’a pas fait l’objet d’une décision de justice française ou internationale soit au centre d’une vaste entreprise négationniste extrêmement blessante et dangereuse. Inversement, il n’y a aucune raison de croire que toute contestation de l’appréciation d’un tribunal soit forcément dommageable. Le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie a qualifié le massacre de Srebrenica de génocide . Toute personne qui y voit plutôt un crime contre l’humanité ou un crime de guerre participe-t-elle forcément à un effort d’insulter les victimes ou de provoquer à la violence ? On ne saurait accoler par principe et dans l’abstrait des conséquences préjudiciables à toute contestation d’un crime établi par un tribunal. L’extension de l’incrimination du négationnisme aurait dû procéder au cas par cas, en examinant l’ampleur et le danger de chaque type de négationnisme, considéré isolément. Cela aurait également permis d’adapter systématiquement la restriction au phénomène visé. En réprimant en bloc tous les négationnismes de crimes judiciairement établis, le Parlement s’est privé d’une réelle réflexion sur le type d’expression qu’il visait. Il est désormais interdit en France de nier le génocide des Tutsi, crime établi par la justice tant internationale que française mais il n’y a pas eu au Parlement de vaste débat sur la pénalisation de ce discours. Or, si tous les négationnismes partagent des caractéristiques communes, leurs modalités peuvent différer selon les crimes concernés. On ne nie pas le génocide des Tutsi de la même manière qu’on nie la Shoah. Il importe donc de confronter l’incrimination générale du négationnisme à la spécificité de la négation du génocide perpétré contre les Tutsi. On procédera à cet examen de manière abstraite, avant d’aborder le seul jugement rendu à ce jour en France à propos de la négation du génocide des Tutsi.

Domaines

Droit
Loading...
Fichier non déposé

Dates et versions

halshs-04323240, version 1 (05-12-2023)

Identifiants

Citer

Thomas Hochmann. Combattre le négationnisme. L’incrimination en France de la négation du génocide des Tutsi. Le Genre Humain, 2023, N° 62 (1), pp.105-111. ⟨10.3917/lgh.062.0105⟩. ⟨halshs-04323240⟩
13 Consultations
0 Téléchargements
Dernière date de mise à jour le 28/04/2024
comment ces indicateurs sont-ils produits

Altmetric

Partager

Gmail Facebook Twitter LinkedIn Plus