Pensée sachante et pensée savante - HAL Accéder directement au contenu
Pré-publication, Document de travail Année : 2023

Knowing thinking and scholarly thinking

Pensée sachante et pensée savante

Résumé

Université Côte d'Azur, LAPCOS (UPR 7278) Peut-on identifier les critères de scientificité uniquement à partir de l'observation des pratiques et des énoncés de ces individus particuliers que nous appelons les « savants » (dans un langage plus courant, les chercheurs professionnels), ce qui justifierait le recours systématique à une rupture épistémologique entre les représentations du monde partagées par ces savants et celles des individus ordinaires (ordinaires dans le sens de non-savants), ou bien sont-ils également repérables dans certains rapports que ces individus ordinaires entretiennent avec le monde physique et social ? Je vais soutenir ici le second terme de l'alternative, en inscrivant mon propos dans un cadre théorique scientiste, celui de la version dite faible du scientisme (Mizrahi 2017). Selon cette version, la science, sous la forme soit de la pensée savante, soit de ce que j'appelle la pensée sachante, n'est pas la seule manière d'appréhender le monde physique et social (songeons par exemple à l'art, à l'expérience esthétique ou à certaines expériences mystiques), mais elle est celle qui nous rapproche le plus de sa structure, c'est-à-dire des choses telles qu'elles sont. À ce titre, elle nous donne un avantage adaptatif (Renn 2020), la connaissance nous permettant de transformer progressivement nos conditions d'existence en réponse à différentes pressions sélectives. Je développerai dans cet article trois arguments. Premièrement, au cours de notre évolution, la sélection naturelle des modes de connaissance d'intérêt vital a doté notre espèce d'un cerveau scientifique, capable d'une pensée sachante, animée par le goût du savoir et de la découverte. Des êtres qui ont acquis une connaissance appropriée du monde dans lequel ils vivaient, parce qu'ils en avaient une représentation soit adéquate, soit utile (Lotto 2017) ou les deux à la fois, ont eu un plus grand succès reproductif que ceux qui étaient dépourvus de cette pensée sachante. La pensée savante, elle, s'est développée bien longtemps après la pensée sachante, sous une forme institutionnalisée, formalisée et méthodique. Deuxièmement, cet équipement cognitif panhumain est performant pour appréhender non seulement le monde physique mais aussi le monde social. Troisièmement, l'efficience de la pensée sachante est de plus en plus reconnue aujourd'hui dans le monde académique et dans un grand éventail de disciplines, notamment sous la forme de la science dite participative ou citoyenne. De ces trois arguments, je tirerai la conclusion suivante : même si la pensée sachante, tout comme la pensée savante, est exposée à de nombreux biais cognitifs, sa capacité à rendre compte suivant un processus asymptotique mais de manière appropriée de la structure du monde physique et social devrait inciter les chercheurs d'une part à procéder avec plus de parcimonie à la rupture avec le sens commun, d'autre part à reconnaître que les « sachants », dans certaines conditions, peuvent être considérés comme des co-auteurs de leurs travaux.
Fichier principal
Vignette du fichier
Pensée sachante et pensée savante.pdf ( 394.94 Ko ) Télécharger
Origine : Fichiers produits par l'(les) auteur(s)
Loading...

Dates et versions

halshs-04367676, version 1 (30-12-2023)

Identifiants

  • HAL Id : halshs-04367676 , version 1

Citer

Joël Candau. Pensée sachante et pensée savante. 2023. ⟨halshs-04367676⟩
53 Consultations
30 Téléchargements
Dernière date de mise à jour le 20/04/2024
comment ces indicateurs sont-ils produits

Partager

Gmail Facebook Twitter LinkedIn Plus