Dans notre étude, nous examinons le rôle des intentions dans l’interprétation des subordonnées introduites par "avant que" (ou "avant de") et "jusqu’à ce que" – des subordonnées qui ont pour particularité de décrire une situation (S2) dont la réalisation est postérieure à celle de la situation principale (S1). Nous commençons par explorer les aspects les mieux reconnus de cette particularité, le plus souvent mentionnés en termes d’exception au caractère communément présuppositionnel des subordonnées temporelles. Le fait que S2 soit postérieur à S1 ouvre en effet la possibilité, pour S1, d’influer sur la réalisation de S2 : une influence qui, dans le cas de "avant que/de", est essentiellement négative (au sens où la réalisation de S2 est empêchée par celle de S1, comme dans "Il est mort avant que je le revoie"), alors que dans le cas de "jusqu’à ce que", elle ne peut être que positive (au sens où la réalisation de S2 est rendue possible par celle de S1, comme dans "Il a plu jusqu’à ce que le sol soit détrempé"). Puis nous explorons la façon dont le décalage temporel entre S1 et S2 favorise l’expression d’intentions portant sur la réalisation de S2 : des intentions prêtées à un sujet de conscience mis en scène dans la principale, dont on peut interpréter qu’il agit en fonction de la réalisation envisagée de S2, soit de manière à l’empêcher ou s’en protéger, soit de manière à la faire advenir. Là encore, on retrouve une asymétrie de fonctionnement entre l’un et l’autre subordonnant, "avant que" se combinant avec des intentions essentiellement négatives vis-à-vis de la réalisation de S2 ("Elle l’a retenu avant qu’il ne tombe"), alors que seules les intentions positives sont autorisées par "jusqu’à ce que" ("Elle l’a interrogé jusqu’à ce qu’il avoue"). En nous appuyant autant que possible sur des exemples attestés, nous nous attachons à décrire la gamme des usages intentionnels autorisés par chacun des subordonnants, et à expliciter les conditions de ces usages.