Seniors et pratiques de mobilité : une analyse de cohortes sur la Métropole Européenne de Lille - HAL Accéder directement au contenu
Communication dans un congrès Année : 2022

Seniors et pratiques de mobilité : une analyse de cohortes sur la Métropole Européenne de Lille

Résumé

Depuis 2016, la France compte plus de personnes de 60 ans que de personnes de moins de 20 ans (ces deux catégories représentaient à l’époque chacune 25% de la population totale). En 2022, les seniors représentent désormais 27% de la population, ce sera 30% en 2030 et 32% en 2040 (source Insee 20211, projections de population 2021-2070 – hypothèses centrales). La mobilité des seniors pèse déjà largement sur l’ensemble des problématiques de mobilité, et son poids va être amené à augmenter dans les années à venir. Si les projections démographiques nécessitent quelques hypothèses (espérance de vie, solde naturel et migratoire), aux questions de mobilité s’ajoutent des questions sur les évolutions des pratiques d’une génération à l’autre, bien plus complexes à saisir. Si l’âge de la dépendance (désormais qualifié de quatrième âge) existe toujours, le troisième âge est de plus en plus long. C’est un âge pendant lequel on est retraité mais actif et généralement en assez bonne santé. Les problèmes de santé liés à l’âge sont d’ailleurs loin d’affecter tout le monde. « Une très grande majorité (93 %) des plus de 60 ans sont en bonne santé. Contre 7 % qui ne le sont pas ». (Guérin, 2015). L’objectif de cette présentation est de présenter l’évolution des pratiques de mobilité des seniors d’aujourd’hui, résidant au sein de la Métropole Européenne de Lille, depuis la fin des années 80 (quand ils étaient pour certains assez jeunes…) jusqu’au milieu des années 2010 afin d’observer les profonds bouleversements à l’œuvre et nous donner des clés pour imaginer comment les choses pourront évoluer. Si Lille se situe dans une région plutôt « jeune » (Hilary et al, 2020), elle présente l’intérêt de disposer d’une série longue de données de mobilité sur un périmètre relativement large. Les quatre dernières enquêtes ménages déplacements standards Certu (EMD – dénommées Enquêtes Mobilités Certifiées Cerema – EMC² – depuis 2018 (Cerema, 2020)) réalisées par la Métropole Européenne de Lille, en 1987, 1998, 2006 et 2016, vont servir de sources de données pour une analyse de la mobilité selon la méthode des cohortes (Chauvel, 2010). Ces enquêtes présentent l’avantage d’avoir été réalisées selon une méthodologie relativement stable dans le temps avec l’appui du Cete Nord Picardie puis du Cerema qui se sont assurés de sa bonne mise en œuvre. Les données sont homogènes, rendant leur analyse conjointe possible. Il s’agit ici d’observer comment évoluent les grands indicateurs de mobilité selon l’année de naissance. Ainsi, on a défini quatre « générations » en fonction de leur décennie de naissance et correspondant aux seniors en 2016, date de la dernière enquête : A : les personnes nées entre 1952 et 1961, qui ont entre 55 et 64 ans en 2016 et avaient entre 26 et 35 ans en 1987 B : les personnes nées entre 1942 et 1951, qui ont entre 65 et 74 ans en 2016 et avaient entre 36 et 45 ans en 1987 C : les personnes nées entre 1932 et 1941, qui ont entre 75 et 84 ans en 2016 et avaient entre 46 et 55 ans en 1987 D : les personnes nées entre 1922 et 1931, qui ont entre 85 et 94 ans en 2016 et avaient entre 56 et 65 ans en 1987 L’analyse se fait en ne tenant compte que des déplacements internes et d’échanges au périmètre 2016 de la Métropole Européenne de Lille qui a été intégralement enquêté lors des 4 EMD et selon un découpage en 5 zones qui permet de mieux caractériser les localisations et les flux. À noter que seules les personnes résidant en logements ordinaires sont dans le champ des EMD, ce qui exclut tous les résidents des maisons de retraites et EPHAD des analyses qui suivent. L’analyse détaillée des données socio-démographiques et de mobilité nous ont permis de poser les constats suivants : • Les « nouveaux » seniors fuient les centres-villes. On observe un départ de la génération A, B et C des centres urbains vers les territoires plus périurbains au fil des enquêtes que l’on n’observe pas sur la génération D • Les « nouveaux » seniors possèdent de plus en plus le permis de conduire. Ce constat est valable dans tous les pays développés (Simoes, 2003). Cela est notamment le fait d’une augmentation forte chez les femmes que nous pouvons expliquer par trois hypothèses. Un passage du permis tardif, voire très tardif, chez certaines femmes ; une espérance de vie différente selon que l’on possède le permis ou pas, ou bien une sortie du champ plus importante chez les non titulaires : déménagement en dehors de la MEL ou placement en EPHAD. • Une augmentation de l’immobilité en deux étapes ? Il semble que la part des personnes qualifiées « d’immobiles » (pas de déplacements au cours des 24h concernées par le recueil de la mobilité durant l’enquête) connaît une évolution par sauts, avec deux périodes d’inflexion importantes. Tout d’abord au moment de la retraite (entre 60 et 65 ans) on passe rapidement d’environ 10 à 20 % de personnes ne se déplaçant pas un jour donné, puis plus tard, avec le grand âge (à partir de 85 ans), on passerait de 20 à 60 % de personnes immobiles sur la journée. • La pratique de la marche augmente puis décline. Si l’usage relativement important de la marche chez les seniors est connu, on voit ici qu’il n’est cependant pas homogène en fonction de l’âge. Sa montée en puissance progressive peut s’expliquer par la disparition des déplacements contraints et lointains que représente généralement le travail. Sa chute, plus brutale, s’explique certainement par la diminution des capacités physiques des individus, mais aussi sûrement par les problèmes d’accessibilité à ce mode de déplacements : besoins de cheminements confortables, sûrs (bordure de hauteur minimale, pas d’éléments glissants, éloignés de la circulation motorisée, séparés des vélos et trottinettes) et avec des aménagements adaptés (présence de bancs à intervalle rapproché). • La voiture en tant que passager plutôt que conducteur. L’usage de la voiture en tant que conducteur reste présent dans la très grande majorité des situations, mais une bonne partie de son utilisation disparaît tout de même l’âge avançant, remplacée notamment par l’usage de la voiture en tant que passager. • Les TC restent une solution de mobilité, y compris pour le grand âge. Ce constat invite à penser à conserver une offre de service conséquente en « heures creuses » et pendant toute l’année, sans se concentrer exclusivement sur les périodes scolaires ou les heures de pointe. • La complexité des boucles de déplacements dépend autant de l’âge que de la génération. On aurait pu penser qu’avec l’âge, les boucles de déplacements allaient avoir tendance à se simplifier, avec donc moins d’activités enchaînées et une proportion plus importante de retour au domicile. Si on observe bien ce phénomène, un second phénomène apparaît qui tient à la génération dont font partie les personnes. Les personnes les plus âgées semblent moins enchaîner les activités au cours d’une boucle et plus pratiquer des allers-retours simples. Ainsi, l’analyse en cohorte permet de percevoir des évolutions importantes dans les pratiques de mobilité des seniors en fonction de leur position dans le cycle de vie et surtout une instabilité de ces évolutions en fonction de la génération. La génération ‘rebelle’, celle du babyboom, continuerait-elle à ne pas se comporter comme celles qui l’ont précédées y compris au grand âge ? On peut le penser car cela recoupe des analyses plus « classiques », à tranche d’âge constante, qui montrent un taux d’immobile en baisse (dans une population en hausse) et un usage de plus en plus massif de la voiture. Il convient de ne plus focaliser uniquement les politiques de mobilité et les réseaux TC sur le domicile-travail et le domicile-études pour tenir compte de ces phénomènes.
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Origine : Fichiers produits par l'(les) auteur(s)
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Dates et versions

halshs-04374547, version 1 (05-01-2024)

Identifiants

  • HAL Id : halshs-04374547 , version 1

Citer

Mathieu Rabaud, Joël Meissonnier. Seniors et pratiques de mobilité : une analyse de cohortes sur la Métropole Européenne de Lille. Rencontres Francophones Transport Mobilité (RFTM), Université du Luxembourg; Luxembourg Institute of Socio-economic Research, LISER, Jun 2022, Esch-sur-Alzette (Luxembourg), Luxembourg. ⟨halshs-04374547⟩
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Dernière date de mise à jour le 07/04/2024
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