La Syldavie, mythique État des Balkans imaginaire issu de l’univers de Tintin a connu une résonance légère mais certaine chez les juristes les plus tintinophiles. Cet État fictif a en effet servi de prétexte à plusieurs études doctrinales, initiée par O. Jouanjan et bientôt rejoint par d’autres. Le ton est toujours léger, humoristique, et tranche avec l’habituel sérieux des publications juridiques. Ne serait-ce alors que facéties de juristes chevronnés cherchant à plaisanter ? Malgré les apparences, il ne semble pas ce cela soit le cas. Filer des métaphores syldaves, pour la doctrine, est une manière de pasticher les écrits doctrinaux traditionnels mais toujours pour dire quelque chose du droit positif et, surtout, des débats doctrinaux. Le but de tels écrits est double. Comme pastiches, ils servent à plaisanter, à faire sourire le lecteurs en reprenant les codes universitaires pour parler d’un droit imaginaire. Mais sur le fond, il s’agit également de produire une réelle critique doctrinale des institutions et de leur fonctionnement, et plus précisément encore du fonctionnement du Conseil constitutionnel. Chaque contribution est d’ailleurs l’occasion d’en inventer un peu plus sur la Syldavie – qui épouse les traits de la France – et de créer des éléments qui seront, ou non, repris par d’autres. Cette prise de distance, cette manière de parler de la France comme s’il s’agissait d’un autre État et spécifiquement d’un État des Balkan, avec les connotations politiques associées, renforce d’ailleurs par principe la critique. Mais le Conseil constitutionnel n’est pas le seul à être touché par la métaphore syldave. L’institution universitaire, dans ce qu’elle a de plus kafkaïen, l’est également. C’est là une autre manière encore de critiquer une institution sur le ton de l’humour, institution qui plus est connue du public auquel s’adresse le texte. Ici encore, prendre la Syldavie pour exemple permet d’éviter les critiques frontales et de prendre plus de distance par rapport à l’objet.