La littérature scientifique sur l’école maternelle et la restauration collective insistent sur la visée pédagogique de ces espaces. L’éducation à l’alimentation et au goût fait partie des missions du Ministère de l’Education nationale et des collectivités territoriales en charge des temps périscolaires. Pourtant, mon enquête de doctorat montre, non pas la transmission de savoirs, mais la production d’une certaine ignorance sur le contenu des assiettes. Les plats contenant des produits d’origine animale, parfois présentés comme « sauce ou boulette » apparaissent comme des entités à part entière dont les ingrédients sont peu explicités. En effet, l’organisation du temps périscolaire permet difficilement un travail éducatif en cantine et privilégie l’apprentissage du métier de mangeur·se où ce qui compte est « de tout goûter et de bien se tenir pour être un champion ». Par la répétition ritualisée du repas, les enfants intériorisent alors un espace du mangeable intégrant les autres espèces sans faire le lien entre les plats proposés et les animaux dont ils sont issus. La transmission invisible de cette norme alimentaire se révèle notamment, lors des observations, dans les interactions entre enfants qui tentent de donner du sens aux aliments en remobilisant des catégories d’appréhension du réel issus de l’espace familial ou de la culture enfantine. Finalement, l’instauration d’un menu végétarien hebdomadaire obligatoire dans les cantines depuis 2021 ne conduirait pas à une socialisation en faveur d’une consommation plus respectueuse de l’environnement ou du bien-être animal. Au contraire, elle consoliderait la conviction d’un ordre naturel des choses car, en l’absence de dispositifs éducatifs, cette mesure renforcerait la confusion entre produits végétaux et produits d’origine animale.