Dans les conflits politiques violents, les forces en présence mobilisent des réseaux antagonistes à l’étranger pour faire valoir leur cause. Les images médiatiques de la violence alimentent inévitablement une mise en récit partisane, mais cette diplomatie publique (Lequesne, 2021) s’articule également à une diplomatie d’influence plus discrète, opérant par le biais des communautés résidant à l’étranger (Le Moign, 2018), par des canaux parlementaires, partisans ou experts (think tanks), ou en vertu de l’asile offert à des opposants politiques (Ellis, 2012). De telles pratiques sont particulièrement bien implantées aux États-Unis. Dans cette communication, j’analyse la diplomatie d’influence menée aux États-Unis tant par le gouvernement de la République démocratique fédérale d’Éthiopie que par des forces politiques éthiopiennes d’opposition. J’utilise le moment de bascule de 2018-2020 comme un révélateur des relations d’influence, alors en plein bouleversement. En 2018, le Tigrean People Liberation Front (TPLF), parti hégémonique depuis 1991, est évincé du pouvoir à Addis-Abeba, après trois années (2015-2017) calamiteuses de manifestations populaires massives (Oromo Protests) réprimées dans le sang. D’un parti gouvernant la diplomatie publique de l’État éthiopien, le TPLF se retrouve rapidement confiné dans sa région d’origine (le Tigré), puis assiégé par l’armée fédérale et ses alliés à partir de novembre 2020 dans une guerre ouverte de forte intensité (Labzaé, 2022). Durant ce conflit armé dévastateur dans le Tigré (on évoque entre 300 et 600 000 décès directs et indirects, et des millions de déplacés), la diplomatie américaine a été l’une des rares à rompre le silence ambiant pour dénoncer de façon répétée les violations massives du droit humanitaire commises par les parties, en particulier de la part des forces alliées au gouvernement fédéral éthiopien, au grand dam de ce dernier. Comment cette diplomatie d’influence du TPLF aux États-Unis s’est-elle transformée au cours de cette période-bascule ? Quelles furent les canaux activés par le TPLF mais aussi par le gouvernement fédéral éthiopien en marge de ces prises de position officielles américaines ? Quels usages la diplomatie américaine a-t-elle pu faire de ces canaux pour peser sur belligérants ? La communication présente cette enquête en cours, nourrie par une expérience d’observation à Addis-Abeba en début de séquence et par des entretiens ultérieurs avec des acteurs et observateurs de cette diplomatie d’influence entre les États-Unis et l’Ethiopie.