Du fait de son statut d’autonomie politique au sein de la République (1984), la Polynésie française détient une compétence exclusive en matière d’élaboration de sa politique sociale et sanitaire. Dans un contexte de vieillissement populationnel accéléré, la conception d’une politique de la vieillesse, du handicap et de la perte d’autonomie relève, ainsi, d’une compétence du « Pays » plutôt que de l’État. L’article s’intéresse à la mise en place du premier dispositif social polynésien adressé aux proches aidants dans ce contexte : le dispositif « aidant feti’i » (aidant familial). Entré en vigueur en 2019, ce dernier indemnise mensuellement les aidants s’occupant quotidiennement d’un proche apparenté dépendant, à hauteur de 50.000 francs pacifique (soit moins de 420 euros), après vérification de son éligibilité au regard de critères sociaux, économiques et statutaires, et de la validation d’une courte formation professionnalisante obligatoire. Cette dernière vise à garantir le déploiement de « bonnes pratiques » dans l’exercice du care dans la sphère privée, et à favoriser la réinsertion professionnelle des proches aidants dans le champ médico-social de l’aide à la personne, sur le plus long terme. Dans un premier temps, notre contribution présente le contexte et les logiques institutionnelles liées à la mise en place de ce dispositif social d’un point de vue réglementaire, en soulignant son originalité au regard des politiques en vigueur dans le contexte départemental français. Dans un second temps, on s’intéresse à la réception sociale de ce dispositif sur le terrain. Les données exploratoires collectées au cours d’une enquête sociologique par entretiens auprès des travailleurs sociaux et des personnes éligibles (bénéficiaires ou non) font apparaître l’existence de frictions normatives liées, d’une part, au principe d’indemnisation publique de l’entraide familiale dans un contexte de forte valorisation sociale et morale du lien familial (intergénérationnel, notamment) et, d’autre part, au cadrage médico-social des pratiques ordinaires de care dans la sphère domestique. Ce faisant, la contribution s’inscrit dans une réflexion sur l’agencement conflictuel des solidarités publiques et privées, dans le contexte d’une « politique sociale familialiste » de care, telle qu’elle est actuellement à l’œuvre en Polynésie française. On conclura en explicitant les prolongements de cette recherche en cours, et ses croisements avec la littérature internationale dans ce domaine.