Dans la première moitié des années 1990, la plupart des dirigeants des clubs de haut-niveau de la désormais ancienne RDA modifient, parfois de manière radicale, l’identité de leurs équipes (changement de noms, de couleurs, de logos, réécriture de l’histoire du club, etc.) en effaçant les références pouvant rappeler le régime déchu, afin de dépolitiser l’image de l’organisation ou de s’adapter aux nouvelles conditions socio-économiques . Or, le supporterisme est un phénomène profondément ancré localement. L’équipe, malgré la mondialisation du sport, est vue comme le symbole d’une identité et d’une histoire locales, dont les fans les plus engagés se considèrent garants . Ces fragments de l’identité historique du club sont alors perçus comme des éléments de définition d’un nous-le-groupe et nombre de supporters de l’Est de l’Allemagne ont tenté de sauvegarder, voire de réhabiliter ces références héritées du temps de la division. Le phénomène est à comprendre comme la manifestation, dans le sport, d’une tentative plus large, conscientisée ou non, de relégitimation des récits de vie des individus socialisés en RDA ou dans les nouveaux Länder après le déclassement subi dans les années 1990 . Un exemple frappant de cette tendance, qui donne le titre de cette communication , est le parcours du BFC Dynamo dix fois champion de RDA entre 1979 et 1988, mais aussi club détesté, car soutenu par l’appareil d’État et la police politique. La nouvelle présidence, soucieuse de se débarrasser d’un héritage encombrant , refonde complètement l’image du club, redénommé FC Berlin en 1990. Cependant, sous la pression des membres de l’association, il retrouve son nom originel en 1999, qu’il a conservé depuis lors. Cette communication se propose d’étudier les arguments présents dans les discours des supporters des clubs issus de l’ancienne RDA et évoluant dans les trois disciplines les plus populaires du pays (football, hockey sur glace, handball), produits lors d’actions de défense de cet héritage du passé (chants et manifestations dans les stades, travail de lobby auprès des directions de clubs, etc.). Nous nous concentrerons sur les années 1990, période de dépolitisation des images des clubs, et les années 2000, où les supporters ont été les plus actifs pour réhabiliter ces références effacées. Pour cela, nous analyserons un corpus de matériaux issus de la presse généraliste et sportive allemande, ainsi que de documents de la communication des groupes de supporters eux-mêmes (fanzines, forums, sites Internet, etc.). Avec des méthodes issues de l’analyse de discours, nous étudierons comment ces différents « nous-le-groupe » se construisent autour d’une (ré)interprétation de l’histoire locale, issue de la période la division et des difficultés économiques des années 1990 et nous comparerons ces identités de groupe afin de déterminer s’il existe une mémoire commune et partagée par ces communautés de la période de la division allemande et des difficultés post-réunification.