Alors qu'en Franconie (Allemagne méridionale), les princes territoriaux (qui sont dans l'Empire les porteurs du processus « étatique » monarchique) ne sont pas parvenus à enrégimenter l'aristocratie féodale, qui s'est organisée vigoureusement face à eux, on observe toutefois que ce sont pourtant ceux qui prétendaient échapper à la tutelle princière qui se sont efforcés de donner à celle-ci les moyens de son succès, en lui assurant à la fois le service militaire, le service civil et le crédit dont avaient besoin les princes. Ceci contraint alors à comprendre ce que ce « service de l'État » pouvait représenter (non seulement du point de vue financier, mais comme mode de reproduction du pouvoir seigneurial local) pour cette aristocratie, mais aussi l'intérêt qu'ont eu les princes à recourir à ce service plutôt qu'à celui d'autres catégories sociales – notamment les bourgeois, puisque les formes prises par ce service n'étaient en aucun cas hors de portée de ceux-ci. La Franconie s'avère en outre un bon terrain d'observation dans la mesure où s'y juxtaposent principautés laïques (notamment le margraviat de Brandebourg-Ansbach) et ecclésiastiques (notamment l'evêché de Wurtzbourg), dont les « modes de reproduction » très différents donnent lieu à des pratiques bien distinctes. Après avoir présenté le profil-type de la carrière aristocratique, on examine l'appropriation aristocratique des charges dans les principautés et le lien de dépendance financière qui s'établit entre nobles et princes, avant d'examiner comment le service aristocratique a pu s'insérer dans le complexe « sociogénétique » qui caractérise la région, entre « sociogenèse de la noblesse », construction d'un discours lignager et efforts princiers d'enrégimentement. Le cas particulier des Thüngen permet de clarifier ce phénomène.