Dans The One, The Many and the Infinite, un appendice de The World and the Individual (1898), le philosophe américain Josiah Royce fonde sa critique détaillée de Bradley sur une lecture de Was sind und was sollen die Zahlen ? du mathématicien allemand R. Dedekind. Se concentrant sur le célèbre §66, Royce prétend que la théorie de Dedekind peut être conçue comme l?approfondissement d?une idée centrale dans la doctrine idéaliste de Fichte et de Hegel : le « Soi » est infini. Selon Royce, l?arithmétique est une explicitation de la structure formelle du Soi. L?ouvrage de Royce, curieux et négligé, est intéressant pour au moins deux raisons. En premier lieu, la critique que Royce adresse à Bradley rappelle en son commencement celle qu?élabore Russell : c?est en effet les mêmes théories mathématiques (celles de Dedekind et Cantor) que les deux philosophes opposent aux « paradoxes » de Bradley ; au lieu de rejeter l?ensemble de l?idéalisme, Royce cherche cependant à revenir de Bradley à un idéalisme rationnel. Je présente les raisons qu?il a de vouloir faire cela, et montre qu?elles ne sont pas toutes sans force. En second lieu, The One, the Many, and the Infinite offre une interprétation originale, purement métaphysique, de la pensée, notoirement difficile, de Dedekind. Je tente de montrer, à la fin de l?article, que l?analyse de Royce n?est pas là encore sans fondement, et que le philosophe allemand H. Lotze pourrait avoir été le lien entre Fichte et Hegel d?une part, Dedekind de l?autre.