Le présent article propose de lire les Eikones de Philostrate l'Ancien dans la perspective d'un discours portant sur le style et notamment comme une illustration des théories sur le style intermédiaire. Certaines des compositions picturales décrites dans les Eikones doivent vraisemblablement être lues comme des allégories des choix esthétiques et stylistiques de l'auteur. Ainsi pour le tableau II, 8 des Eikones qui représente les amours du dieu-fleuve Mélès et de la nymphe Crithéis, parents d'Homère. Le dieu-fleuve Mélès y est présenté comme un léger cours d'eau callimachéen montrant " les grâces tendres de l'adolescence, non sans un mélange de gravité ". À l'initiale de la description, Philostrate rappelle qu'Homère a pour sa part chanté les amours de Tyro et de l'Énipée (Odyssée IX, 235-259), invitant ainsi à comparer sa propre description à celle d'Homère où Poséidon prend la place du dieu fleuve pour s'unir à Tyro et dans laquelle " le flot en bouillonnant se dressa tel une montagne ". Par contraste, les amours des parents d'Homère sont placées sous le signe de la leptotès. Le procédé consistant à juxtaposer la mention d'un épisode traité par Homère avec celle du sujet que l'ecphrasis s'apprête à aborder est récurrent dans les Eikones. Plusieurs descriptions jouent sur les différences radicales entre le récit épique et les scènes représentées dans les tableaux : c'est notamment le cas dans " Les Toiles ", ecphrasis dont la valeur métalittéraire est patente et qui s'ouvre sur l'évocation fantasmée d'un tableau représentant le filage de Pénélope. Ces descriptions de tableaux qui impliquent une réflexion sur le modèle de la poésie homérique peuvent être confrontées aux autres représentations d'auteurs littéraires ou aux autres cas d'intertextualité qui ponctuent le texte des Images : portrait d'Ésope, tableau illustrant l'enfance de Pindare et scène représentant Panthée et Habradate qui peut-être confrontée avec un célèbre des Mémorables de Xénophon. La comparaison avec les jugements exprimés sur ces mêmes auteurs dans la critique littéraire ancienne est particulièrement significative. On peut ainsi comparer le regard du rhéteur mis en scène par Philostrate à celui d'un Denys d'Halicarnasse décrivant le style d'Homère ou le style de Pindare. On sait en effet que, dans la représentation de Denys, Pindare passe pour être le principal exposant de l'harmonie austère et qu'Homère est le maître du style intermédiaire, excellant à la fois dans la leptotès et la semnotès. Or, la représentation que Philostrate donne des parents d'Homère ou de l'enfance de Pindare permettent de souligner ce que ces deux auteurs doivent à la leptotès. Elle vise peut-être aussi à louer une forme de style intermédiaire, entre grandeur et subtilité, un style hybride qui ne serait pas pour déplaire à l'auteur des " Centauresses " de l'ecphrasis II, 3. L'approche du texte de Philostrate qui se dessine ainsi peut probablement être étendue à l'interprétation des descriptions qu'il nous livre de peintures de paysages. Les paysages de Philostrate présentent en effet la particularité de mettre en évidence la problématique de la continuité ou de la discontinuité et de l'union des contraires au sein d'un tout organisé grâce à l'usage répété de certains éléments de paysage : le pont, l'isthme et le détroit.