Ni romans gothiques, ni histoires d'horreur, ni récits policiers ou fantastiques, les trois romans de la quotidienneté qui constituent la " trilogie Bascombe " de Richard Ford (The Sportswriter - 1986, Independence Day - 1995, et The Lay of the Land - 2006) sont pourtant bien des romans de la peur. Ils déclinent les peurs intimes d'un homme blessé pour qui la vie, synonyme de perte, n'est qu'un péril continu. Or, si les mots de la peur envahissent presque naturellement l'espace du texte, ils semblent au fond permettre d'éluder une angoisse existentielle plus sourde : celle d'un questionnement radical de l'individu au bord d'un gouffre littéralement épouvantable. Les peurs les plus fondamentales du narrateur et cette angoisse du néant hantent ainsi l'œuvre de leur présence diffuse, et deviennent le fantôme du texte, le ressort secret de la narration. Le récit est non seulement travaillé par cette angoisse, qui trouve un écho dans celle de la page blanche, mais il la combat symboliquement : les mots se font " sang d'encre ", non plus simples signes de la peur mais flux vivace luttant précisément contre le figement mortifère induit par celle-ci.