Considérant son parcours personnel ou sa carrière scientifique, la France représente un pôle majeur dans la biographie humboldtienne. Malgré ce tropisme affirmé et même lorsque Humboldt séjourne à Paris, la Prusse, seconde polarité humboldtienne majeure, n'est pour autant jamais absente. La France, la Prusse et Humboldt lui-même dessinent en effet un triptyque, dont la configuration se dessine autant selon des facteurs individuels, et surtout scientifiques et politiques. Humboldt se révèle être un passeur entre ces deux entités géographiques et géopolitiques, toutes deux engagées au début du XIXème siècle dans un processus de redéfinition nationale et à l'échelle européenne. Cette fonction de passeur repose d'abord sur les qualités et la renommée scientifiques acquises par le voyageur, puis sert progressivement et de plus en plus des ambitions politiques. Ce rôle s'exacerbe à l'occasion des missions diplomatiques confiées par le roi de Prusse à Humboldt entre 1835 et 1847. A plusieurs reprises, Humboldt fournit des rapports sur la situation française à la cour berlinoise, subsumant ainsi sa posture scientifique sous la réalité (géo)politique. Cet épisode suscite plusieurs types de questionnements : quelle est la vision de la France qu'Humboldt véhicule au travers de ses rapports ? Quelle(s) posture(s) adopte Humboldt, alors qu'il défend toute sa vie l'indépendance scientifique ? Que révèlent cet épisode paroxysmique sur les accointances entre science et politique ?