Sur les littoraux du Nord-Ouest de l’Europe, la gestion des sites patrimoniaux est particulièrement tiraillée entre montée en puissance de l’attractivité touristique et injonction à une meilleure conservation. Dans un tel contexte, l’ambition de ce programme de recherche est d’explorer les liens entre la production patrimoniale et l’innovation en matière de gestion du tourisme en s’appuyant sur une géoscopie de quatre hauts lieux patrimoniaux, considérés comme représentatifs de l’évolution contemporaine des enjeux de fréquentation et de conservation des patrimoines naturel, culturel et paysager sur les littoraux : les marais salants de Guérande et les Deux Caps en France, la Chaussée des Géants en Irlande du Nord et la partie danoise de la mer des Wadden. La méthode utilisée combine des approches empirique, systémique et comparatiste afin d’observer, d’analyser et de modéliser le fonctionnement des espaces du patrimoine dans leurs dynamiques touristiques et d’identifier le cas échéant les facteurs déterminants de l’innovation en matière de gestion touristique et patrimoniale. Le premier objectif de la recherche consiste à déconstruire la « machine patrimoniale » à l’œuvre sur les littoraux pour mettre au jour les processus de patrimonialisation à la fois sur le temps long et sur le moment présent afin d’en comprendre les ressorts sociaux, historiques, culturels et environnementaux. L’approche embrasse à la fois les aspects matériels (mesures de protection juridique…) que et les aspects idéels (représentations des acteurs institutionnels, des « passeurs » de patrimoine, des visiteurs des sites…) pour comprendre les logiques de construction des registres de valeurs dans un contexte où la valeur patrimoniale tend à se substituer à la valeur d’usage des sites. Se Ce faisant, il s’agit de dépasser le postulat selon lequel le tourisme serait majoritairement producteur d’impacts négatifs sur les patrimoines, qu’il conviendrait alors de gérer, mais de démontrer au contraire comment le tourisme stimule l’invention des objets/espaces patrimoniaux, le « regard touristique » jouant un rôle de premier plan dans la mise en patrimoine. Le deuxième objectif consiste à observer et à analyser les pratiques de gestion des visiteurs dans un contexte contradictoire entre sanctuarisation et sur-fréquentation. Il s’agit ici d’identifier l’émergence de nouvelles pratiques de gestion « durable » des sites et de comprendre le cas échéant les facteurs d’innovation et les contextes de mise en œuvre : rôle d’acteurs pionniers, cadres théoriques, circulation internationale de « modèles » via les réseaux professionnels de gestionnaires… Le troisième et dernier objectif interroge les questions de gouvernance et de justice d’accès des aux sites patrimoniaux. La mise en œuvre d’outils innovants de tourisme durable et de gestion des flux de visiteurs ne va pas sans redéfinir les contours de la gouvernance locale du patrimoine et sans questionner l’accès aux sites pour tous. Une attention particulière est accordée à la liberté d’accès au site et aux libertés de parcours dans l’espace en investiguant dans le détail les pratiques spatiales de visite et en interrogeant la réception par les visiteurs des dispositifs de gestion de la fréquentation déjà mis en œuvre.