Le XXe est le siècle de l'urbanisation et la question du logis y occupe une place essentielle. Sa production est diverse, savante et quelconque. Massive après la guerre, et, pour cette raison, précipitée, elle sera aussi rapidement inadaptée, parce que les populations, les modes de vie et les aspirations auront changé. La production savante du logement d'après-guerre a donné le meilleur et le pire. Guidée par une doctrine progressiste qui mettait l'idée machiniste au premier plan, convaincue que la technique sauverait le monde de ses misères sociales et matérielles, elle a souvent oublié l'humain, quand elle ne l'a pas écrasé par la démesure de ses utopies. Pour cette architecture savante, dont les acteurs se regroupent dans le Mouvement moderne, la «fonction» est la notion qui oriente ce qui relève de la destination. Elle traite l'espace comme une machine dont les pièces présentent les mesures qui conviennent à sa bonne marche. L'être humain qui l'occupe est lui-même pensé comme une machine biologique formée d' «appareils» (respiratoire, circulatoire, digestif…). Ainsi, bien que le principal théoricien du Mouvement moderne, Le Corbusier, ait nourri une vision autrement plus riche de la « machine à habiter », c'est la version la plus simplificatrice de son concept qui a dominé la production du logement dans les années 1960. La critique du Mouvement moderne, engagée au moment même où il triomphait, conduira à énoncer la notion d' «usages», qui complète la vision excessivement technique et nivelante de la « fonction » par des catégories qui intègrent les représentations et les imaginaires sociaux humains, appréhendés dans leur historicité et leur diversité. La prise en compte des usages, exprimés par les habitants qui en sont porteurs, repensés au filtre de ce que certains, dès la fin des années 1970, avaient appelé les « dégâts du progrès », constitue une clé essentielle pour la requalification et la préservation durable des architectures du logement du XXe.