À la suite d’une participation aux campagnes de fouilles sur Château-Vieux d’Allinges (74), site témoin du projet européen A.V.E.R. (Anciens Vestiges En Ruine)- des montagnes de châteaux ; c’est dans le cadre d’un mémoire de Master, effectué à l’Université Lumière Lyon 2, qu’a été entrepris une étude de bâti plus poussée du site voisin de Châteaux-Vieux, Château-Neuf. Cette étude, mise en place par Laurent D’AGOSTINO (Hadès archéologie) et Christophe GUFFOND (SDAHS-Conseil Général de la Haute-Savoie), est dirigée par Jean- Michel POISSON (CIHAM, UMR 5648, Lyon). C’est au sein de ce travail qu’a été mis en place cette opération de prospection visant plus particulièrement l’accès et la défense du site. Le site n’ayant jamais fait l’objet de sondage ni de fouilles programmées, et la seule étude de bâti ayant eu lieu sur le mur d’enceinte nord-est dans le cadre de travaux de restauration en 2012, c’est dans l’optique de compléter les données perçues lors des campagnes de fouilles voisines et du projet A.V.E.R. que ce projet a vu le jour. Construit sur la rive sud du lac Léman, non loin de Thonon-les-Bains et proche de Genève, c’est sur un massif rocheux de forme semi-circulaire et haut de 700m que se dressent les châteaux d’Allinges. Ces deux châteaux occupent la crête du massif et sont séparés par un faible fossé long d’environ 150 mètres. Château-Vieux occupe la partie nord de la crête rocheuse tandis que le château nous intéressant, Château-Neuf, occupe quant à lui la partie sud. De par leurs positions, les deux châteaux dominent le Chablais et le bassin du lac Léman et s’assurent ainsi une place importante pour la région. La famille d’Allinges apparait dans les textes à la fin du Xe siècle, et semble alors détenir des biens en relation directe avec l’abbaye Saint-Maurice d’Agaune. La nature de ces derniers n’est pas connue, cependant nous savons qu’ils se trouvent près du village d’Allinges entre la fin du Xe et le début du XIe siècle et que durant le XIIe siècle, ils sont acquis par la Maison de Savoie. En 1073, un château d’Allinges est mentionné, cependant il faudra attendre le XIIIe siècle pour voir cohabiter les mentions des deux châteaux. Ces derniers sont alors aux mains de la Maison de Savoie pour Château-Neuf, et aux mains des sires de Faucigny pour Château-Vieux, la famille éponyme n’apparaissant plus alors que sporadiquement dans les textes. Ces deux châteaux entrent alors en conflit et ce jusqu’à la moitié du XIVe siècle, c’est avec le Traité de Paris en 1355 que les deux châteaux rentrent en possession de la Maison de Savoie. À partir de ce moment, Château-Neuf est mis en avant et Château-Vieux est peu à peu abandonné. Le sujet de cette étude étant Château-Neuf, je ne m’étendrai donc pas sur Château-Vieux, déjà étudié durant le projet A.V.E.R., et me contenterai de dire que l’on observe des parallèles entre les deux châteaux. Château-Neuf est aujourd’hui dégradé en majeure partie cela s’expliquant par de nombreuses démolitions et l’occupation depuis le XIXe siècle par les missionnaires de Saint-François-de-Sales. Ainsi, on peut observer sur le terrain les vestiges de deux barbacanes au sud du château, une enceinte fortifiée conservée en grande partie, une séparation maçonnée entre le bourg et le plain château et un mur correspond aux limites d’une habitation dans le plain château. Enfin, les bâtiments occupés par les missionnaires semblent reposer sur et comporter des parties anciennes, le tout accolé à la chapelle castrale. L’ensemble du site promet donc un potentiel important pour une étude de bâti. Une prospection thématique incorporant une étude de bâti a été réalisée au cours de l’année 2013 sur le site de Château-Neuf. Cette dernière à permis de dresser un état des lieux complet du château ainsi que de proposer une étude sur la thématique de l’accès et de la défense du site. Les données obtenues lors de cette opération sont majoritairement nouvelles. Comme dit précédemment, la campagne s’est concentrée sur les accès et les défenses incorporant ainsi les deux barbacanes, les tours et l’enceinte dans sa majeure partie. Ainsi plusieurs états de constructions ont pu être dénombrés et une chronologie relative des différents stades d’évolution du château a pu être mise en place. De même, une idée plus précise du type de défenses et de leurs répartitions est aujourd’hui possible grâce au croisement entre l’étude de terrain et les sources, qu’elles soient textuelles (comptes de châtellenie…) ou iconographiques. On observe ainsi dans un premier temps une tour fermée de forme quadrangulaire en lien avec une première enceinte castrale. Nous accédons à cette tour par une porte en plein cintre, donnant dans le bourg. Elle est composée d’au moins 1 étage donnant possiblement accès à une structure de type hourd. Cette hypothèse est confirmée par la présence de deux portes en plein cintre ouvrant sur l’extérieur de la tour ainsi que par des traces de poutres. Cette tour est complétée à l’Ouest par un portail imposant inséré dans la courtine. Il fonctionne avec des ventaux de bois, aujourd’hui inexistant, fermés par une poutre dont l’emplacement de retrait est aujourd’hui encore visible. Ce dernier mesure 3,60 m de long pour un entraxe du portail égal à 3m ce qui laisse 30cm de débord de chaque côté du portail, longueur suffisante au blocage des portes. Cet ensemble est par la suite doublé par une barbacane de forme arrondie comprenant un nouveau portail plus en avant fonctionnant avec un chemin taillé dans le rocher. Le niveau de sol actuel à l’intérieur n’est pas représentatif et devait se trouver entre 1,50 et 2m plus bas au vu de la différence de niveau entre l’arase des murs et le niveau extérieur des sols. Les défenses sont à nouveau augmentées avec un chemisage de l’enceinte au sud ainsi qu’à l’est du bourg castral, chemisage bien visible au niveau de l’entrée actuelle ainsi qu’à l’extérieur de la tour ouverte à la gorge. En effet, on observe une alternance entre un chemisage interne (à l’Est) et un externe (au Sud). S’ensuit une nouvelle phase de fortification des défenses et accès, au sud du château, avec la création d’une seconde barbacane. Elle s’appuie sur le chemisage et fonctionne avec une nouvelle porte au rez-dechaussée de la tour. Cette dernière est construite en arc brisé ce qui impliquerait un terminus post quem au dernier tiers du XIIe siècle. Cette barbacane de forme quadrangulaire présente un système d’accès complexe comprenant une tour porte avec pont-levis, herse et ventaux de bois clos par une poutre. Le nord du château est lui aussi fortifié à de nombreuses reprises avec la ré-élévation successive du mur bouclier dont Évelyne Chauvin-Desfleurs a fait l’étude, ainsi que la construction d’une tour semi-circulaire au-dessus de la chapelle datée de 1285 par les textes. Toujours d’après ces derniers, une poterne aurait existé au sein du mur bouclier pour accéder au fossé, cependant aucun reste archéologique n’est aujourd’hui visible. Des restes de maçonnerie au Nord-Ouest laissent supposer la présence d’une tour d’angle en lien avec le mur bouclier. Les résultats de cette campagne de prospection et d’étude de bâti montrent la complexité et l’évolution sur le site de Château-Neuf d’Allinges. Cela laisse entrevoir de nombreuses phases de construction malgré des destructions, inhérentes au temps ou humaines, au cours des siècles. Cependant, les élévations encore en place permettent de se faire une idée des lieux dans le temps et de proposer une restitution des bâtiments et de l’organisation des défenses et accès du site.