Mourir de paysage
Résumé
J'ai pensé ce texte dans une forme d'empathie interrogative et non dénuée de cruauté sans doute, née du partage désormais obligé des vagues méditerranéennes entre touristes et exilé.es. Lorsqu'il n'est plus possible de contempler des lumières côtières sans penser aux drames migratoires qui traversent ces mêmes paysages, on peut se poser des questions de ce type : « Les personnes qui meurent dans les traversées des frontières maritimes de l'Europe ont-elles le temps d'apprécier le paysage qui les entoure et que leurs corps bientôt pourrissants vont aller nourrir ? » Celles qui meurent en Méditerranée voient leur existence anéantie par un milieu avec lequel elles viennent juste de faire connaissance. Nombre d'entre elles n'avait jamais vu la mer avant d'embarquer dans les embarcations surchargées qui portent leur espoir de changer de monde. Ontiels, ont-elles, eu le temps d'entendre le « rire innombrable des vagues » évoqué par Eschyle avant de sombrer ? Que retiendront-ils, que retiendront-elles, de ces heures égrenées dans le silence de l'attente d'un passage qui n'en finissait pas ? Vivre de paysage, dit-il, mais, en mourir ?
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