Robert Smithson, Paysage après l'épuisement, à propos de Spiral Jetty - HAL-SHS - Sciences de l'Homme et de la Société Accéder directement au contenu
Chapitre D'ouvrage Année : 2021

Robert Smithson, Landscape after exhaustion, about Spiral Jetty

Robert Smithson, Paysage après l'épuisement, à propos de Spiral Jetty

Résumé

Built in 1970 by Robert Smithson, Spiral Jetty, one of the most emblematic works of Land Art, is located in a desert area on the shores of the Great Salt Lake in Utah, in the western United States. A two-hour drive from the nearest major city, Salt Lake City, the work is a kind of territorial enclave built on the shallow lake bottom. The site is only accessible to the visitor after leaving the ordinary geographical space, to walk through a desert, in the most general sense, of arid space, almost devoid of vegetation, almost uninhabited. The access to this immense 457 m long embankment of earth and rock, which spirals in on itself above the water, is therefore like a "box within a box", or "Russian dolls" principle: first to go or, like the anchorites and other asocials of old, to flee to the desert; then in this gap, to find and walk along this jetty which, from the bank, leads to the central point of the spiral; from there, to go back the other way, to cross the desert again, to come out. Robert Smithson often uses the term dedifferentiation to define his work on Spiral Jetty, which he borrows from a book that greatly influenced American artists in the late 1960s, Anton Ehrenzweig's The Hidden Order of Art 1. The desert is the product of the dedifferentiation of the components of the landscape, of the geographical space. It is not empty space. Everything is there. But because of the scarcity of vegetation, the lack of human activity, the omnipresence of a mineral, inorganic nature, "everything looks the same". This is particularly the case in the area around Spiral Jetty. On this rocky plateau situated at an altitude of 1,200 metres, there is almost no relief and, consequently, no landmarks to orientate oneself. The desert dedifferentiates space, but also the rhythms of time, which it slows down and stretches. This is what the first anchorites, the Desert Fathers, said: the time that passes in the world, the century, is not the time of the counter-spaces that the desert zones have always been. Our perception of time is inseparable from our experience of movement, from the estimation of the duration of a journey (on foot, by car, whatever) from one place to another. The uniformity of the desert, the absence of visual reference points, from the nearest to the farthest, by affecting our capacity to perceive distances, alters our capacity to evaluate time.
Construite en 1970 par Robert Smithson, Spiral Jetty, une des oeuvres les plus emblématiques du Land art se trouve dans une zone désertique des bords du Grand Lac Salé, dans l'Utah, à l'ouest des Etats-Unis. A deux heures de route de la grande ville la plus proche, Salt Lake City, l'oeuvre constitue une sorte d'enclave territoriale édifiée sur le fond peu profond du lac. Le site n'est accessible au visiteur qu'après avoir quitté l'espace géographique ordinaire, pour cheminer à travers un désert, au sens le plus général, d'espace aride, quasiment dénué de végétation, presque inhabité. Il y a donc dans l'accès à cet immense remblai de terre et de roches de 457 m de long, qui s'enroule sur lui-même en spirale au-dessus de l'eau, un principe de « boite dans la boite », ou de « poupées russes » : d'abord aller ou, comme autrefois les anachorètes et autres asociaux, fuir au désert ; puis dans cet écart, trouver et parcourir cette jetée qui, à partir de la berge, amène au point central de la spirale ; de là, repartir dans l'autre sens, retraverser le désert, en sortir. Dédifférenciation Robert Smithson utilise souvent pour définir son travail sur Spiral Jetty le terme de dédifférenciation, qu'il emprunte à un livre qui a beaucoup influencé les artistes américains à la fin des années 1960, L'ordre caché de l'art d'Anton Ehrenzweig 1. Le désert est le produit de la dédifférenciation des composants du paysage, de l'espace géographique. Ce n'est pas espace vide. Tout y est. Mais du fait de la faiblesse de la végétation, du peu d'activités humaines, de l'omniprésence d'une nature minérale, inorganique, « tout se ressemble ». C'est particulièrement le cas dans la zone qui entoure la Spiral Jetty. Sur ce plateau rocheux situé à 1200 mètres d'altitude, il n'y a quasiment aucun relief et, en conséquence, aucun repère permettant de s'orienter. Le désert dédifférencie l'espace, mais aussi les rythmes du temps, qu'il ralentit, étire. C'est ce que disaient les premiers anachorètes, les Pères du désert : le temps qui s'écoule dans le monde, le siècle, n'est pas le temps des contre-espaces que sont, depuis toujours, les zones de désert. Notre perception du temps est indissociable de notre expérience du mouvement, de l'estimation de la durée d'un déplacement (à pied, en voiture, peu importe) d'un lieu à un autre. L'uniformité du désert, l'absence de repères visuels, du plus proche au plus lointain, en atteignant notre capacité d'intuition des distances altère celle d'évaluer le temps.
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Dates et versions

halshs-03779755 , version 1 (17-09-2022)

Identifiants

  • HAL Id : halshs-03779755 , version 1

Citer

Pierre Guislain. Robert Smithson, Paysage après l'épuisement, à propos de Spiral Jetty. L'Esthétique environnementale entre Orient et Occident, 2021. ⟨halshs-03779755⟩
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