Die, aujourd’hui sous-préfecture du département de la Drôme, localisée dans la vallée de la Drôme, empruntée par un itinéraire routier mettant en communication le Rhône et l’Italie, fut une importante agglomération dès l’époque antique. Devenue capitale de la cité des Voconces à partir du début du IIe siècle de notre ère, elle s’entoure à la fin du siècle suivant d’une enceinte maçonnée et accueille le siège d’un évêché dès le IVe siècle. Au Moyen Âge, la ville étant située en Terre d’Empire, le rôle temporel d’exercé par l’évêque est reconnu dans la seconde moitié du XIIe siècle par le pape, puis par l’empereur germanique. L’intérieur de la ville intra-muros a pu être partagé entre deux pouvoirs, celui de l’évêque et celui d’un éphémère comte. Le quartier épiscopal est localisé dans le quart sud-est de la ville où se dresse à la fois le bâtiment de la cathédrale, reconstruite en partie après les guerres de Religion, et l’ancien palais épiscopal. Le quartier du Chastel, s’étendant en amont et au nord de la rue principale, aurait pu abriter une résidence comtale sur laquelle on ignore tout. L’organisation de la ville médiévale peut être esquissée à partir des mentions textuelles, en particulier un précieux document foncier du XIIIe siècle. L’enceinte antique qui continue d’être utilisée et entretenue a traversé les siècles jusqu’à nos jours sur la majeure partie de son circuit. Les rares opérations archéologiques qui ont touché le centre urbain, ou encore quelques découvertes fortuites sont insuffisantes pour mesurer, par exemple, la part de l’héritage antique dans la structuration et l’évolution de la ville médiévale, ou même simplement la dynamique de son développement. En 2023, deux îlots urbains, situés à proximité de la porte ouest de la ville antique, dite porte Saint-Pierre, et limités par deux rues divergentes y aboutissant, ont été choisis pour cette première année de prospection. En effet, l’une de ces rues (aujourd’hui Camille Buffardel) correspond à un axe viaire, au tracé considéré comme étant d’origine antique, puisqu’il permet de mettre en communication la porte Saint-Pierre avec une autre porte romaine, la porte Saint-Marcel située à son extrémité orientale. La seconde rue (actuellement Emile Laurens) côté sud, était anciennement connue sous le nom de rue Villeneuve, traversant le quartier du même nom, localisé entre la porte ouest de la ville et la place du Marché, à proximité de la cathédrale. Selon les chercheurs locaux, cette rue et donc le quartier qu’elle délimite pourrait correspondre à une création médiévale assurant un accès direct depuis la porte ouest, jusqu’aux espaces entourant la cathédrale. La prospection visait donc à vérifier cette hypothèse, qui ne reposait sur aucun indice matériel, mais aussi à questionner l’héritage de l’architecture et de l’urbanisme antique dans ces îlots. L’identification des maçonneries médiévales se heurte toutefois une typo-chronologie des modes de constructions encore peu fournie pour la période, mais aussi peu étayée. Cette première année de prospection a permis la visite du niveau inférieur de dix parcelles, soit le niveau de leurs caves. À ces visites ont notamment pris part Jacques Planchon, archéologue et conservateur du musée de Die, et Michèle Bois, archéologue médiéviste et présidente de l’association Archéo-Drôme, porteuse du projet. Le relevé des plans de caves a été réalisé par photogrammétrie. Après leur traitement et le géoréférencement des plans ainsi obtenus, ces derniers ont été intégrés dans un embryon de SIG, créé pour l’occasion. Cette aide technique a été assurée par Jérôme Ducreux et Eric Dellong (Hadès). À l’issue de cette première année de prospection, plusieurs constats peuvent être posés. En premier lieu, ont été reconnues plusieurs maçonneries antérieures aux murs de cave. Certaines datent assurément de la période antique. Toutes servent de fondations à des murs médiévaux ou de datation indéterminée et qui suivent la même orientation, différente de celle de l’ancienne rue Villeneuve, et donc antérieure au parcellaire actuel. L’arase de ces maçonneries antiques est située généralement autour de deux mètres sous le niveau de rue actuel. En cœur d’îlot, ont été reconnus, en divers endroits, des murs en petit appareil, similaires aux maçonneries antiques, mais employant des galets éclatés, parfois entiers. Ces murs s’inscrivent dans la continuité de limites parcellaires dont le tracé est commun à plusieurs biens fonciers. Trois autres maçonneries en petit appareil et contiguës sont situées au point de jonction des deux rues et servent de limite orientale à la rue Emile Laurens, autrefois rue Villeneuve. Des maçonneries présentant une mise en œuvre similaire, bien que plus régulière, reconnues en d’autres points de la ville, sont datées du XIe siècle, mais cette datation reste à étayer. Toutefois, cette découverte offre un indice en faveur de la datation médiévale de cet axe. Les deux seules parcelles qui ont pu être visitées en limite de la rue Camille Buffardel, au tracé réputé antique, présentent une physionomie particulière. Très allongées, ces parcelles en lanière mesurent jusqu’à 16,50m de long. La visite des niveaux supérieurs laisse supposer qu’elles étaient initialement composées d’un bâti sur la rue, d’un espace libre de construction au centre et d’un bâti à l’arrière. Leur mur de fond s’inscrit dans une limite linéaire, commune à plusieurs autres bien fonciers et parallèle à un autre axe situé 4,50m à l’ouest. Ces deux délimitations pourraient témoigner de l’emplacement d’une ancienne ruelle ou traverse en cœur d’îlot, parallèle à la rue Camille Buffardel. Cette première année a livré des résultats encourageants. La poursuite de la prospection est envisagée dans ces deux îlots, de même que son extension aux parcelles situées de l’autre côté de ces deux rues et autour de l’entrée ouest de la ville. Elle permettra d’approfondir les problématiques de départ, ainsi que les hypothèses de travail nées à l’issue de cette première année de recherche. Le croisement de ces données avec celles issues de la documentation récente (plans masse des opérations archéologiques) et ancienne (par exemple le parcellaire de 1595), permettrait de mieux connaître les dimensions des différents biens fonciers. Cette comparaison pourrait déboucher sur des hypothèses concernant les possibilités de réunions ou de divisions d’anciennes parcelles, mais aussi sur la localisation d’anciennes ruelles (ou viols) disparues de la trame viaire avant l’établissement du plan cadastral de 1823.