Le romancier des années vingt à l’épreuve de la marginalité : Francis Carco, René Crevel, Philippe Soupault
Résumé
In the 1920s, the imagination of the margins and the underworld invaded the world of the novel, whether surrealist narratives, like "Détours" by René Crevel, "Les Dernières Nuits de Paris" by Philippe Soupault, or realist novels like "L’Homme traqué" by Francis Carco. When the firsts seem to use it in a metaphorical way, far from sociological, political or moral paintings, the second gives it a very clear documentary value and entertaining function. But for both, the aesthetic and existential experience of social marginality allows the translation of what Marcel Arland called a “nouveau mal du siècle”. The crisis of the community implied by staging thugs against bourgeois is associated with a crisis of the subject prey to profound disquiet. As a result, social exoticism or the myth of the marginal gives way to characters evolving in unlocatable spaces, conducive to anonymity, and whose personality appears to be deeply split.
Dans les années 1920, l’imaginaire des marges et des bas-fonds envahit l’univers du roman, qu’il s’agisse de récits surréalistes, comme "Détours" de René Crevel, "Les Dernières Nuits de Paris" de Philippe Soupault, ou de romans réalistes comme "L’Homme traqué" de Francis Carco. Quand les premiers semblent l’utiliser de manière métaphorique, loin des peintures sociologiques, politiques ou morales, le second lui accorde une valeur documentaire ainsi qu’une fonction divertissante. Mais chez les uns comme chez les autres, l’expérience esthétique et existentielle de la marginalité sociale permet la traduction de ce que Marcel Arland a appelé un « nouveau mal du siècle ». À la crise de la communauté qu’implique de mettre en scène des voyous contre des bourgeois s’associe une crise du sujet en proie à une profonde intranquillité. En conséquence, l’exotisme social ou le mythe du marginal cèdent la place à la représentation de personnages évoluant dans des espaces insituables, propices à l’anonymat, et dont la personnalité apparaît comme profondément clivée.