À partir de deux ensembles documentaires, l’un constitué de textes antiphilosophiques, l’autre de documents d’archives (les « Mémoires » rédigés par Malesherbes, le journal de l’inspecteur de la Librairie Joseph d’Hémery), il s’agit d’examiner la censure des écrits antiphilosophiques, au cours de l’administration de Malesherbes, pendant une séquence temporelle resserrée qui correspond, entre 1757 et 1760, à l’épisode ayant conduit à la révocation du privilège de l’Encyclopédie. Dans le cadre d’une réflexion qui considère délibérément la censure des écrits antiphilosophiques en regard de celle qui affecte les publications des philosophes, il s’agit de prendre la mesure de l’économie des décisions de censure et de montrer que, en corrélation avec la grande diversification des modes d’autorisation (approbation, permission tacite, voire très tacite, espèce de permission tacite, espèce de tolérance), les autorités de la Librairie, qui sont remarquablement informées de ce qui circule dans l’espace public, accordent aux adversaires des deux camps une relative liberté d’expression en jouant à plein de la loi du talion mais se donnent les moyens de sévir lorsque les « gens de lettres » sortent de l’arène qui leur est concédée pour mettre en cause des personnalités de haut rang qu’ils doivent respecter.